Il a eu le rare privilège de goûter à trois championnats différents sur trois continents.
Sorte de globe-trotter, l’ancien défenseur du Club Sportif d’Hammam-Lif et du Club Africain, Yemen Ben Zekri, a joué aux quatre coins de la planète. Avant de se reconvertir en agent de joueurs Fifa.
«Quelques intrus qui n’ont pas passé les examens et ne disposent pas de l’agrément Fifa menacent sérieusement notre métier, prévient-il. Il faut organiser le secteur, et le débarrasser des faux intermédiaires».
Yemen Ben Zekri, remontons le fil du temps. Parlez-nous tout d’abord de votre arrivée dans le football ?
Par le moyen incontournable des parties de quartier. Rue Ali Ben Ayed, à Hammam-Lif, nous étions une bande de passionnés à jouer chaque jour. Je dois dire que ma mère Saloua me préparait le sac, les repas de sportif… Mon père Lamine m’a également encouragé tout en veillant à la réussite de ma scolarité. Je leur suis énormément reconnaissant. J’ai signé à l’âge de 11 ans pour le CSHL qui reste ma seconde famille, le club qui m’a fait connaître.
Qui vous a conduit au Club Africain ?
Mongi Ben Brahim, avec le concours de Lassaâd Ouertani et Oussama Sellami qui venaient de la JSK et du ST.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Deux ou trois ans avant son ouverture, nous rêvions du stade de Radès comme d’un écrin qui ressemble au stade de France. Eh bien, quoi de mieux que d’inaugurer ce stade avec le CSHL par une finale victorieuse (1-0) contre le favori, l’ESS en juin 2001.
Et le plus mauvais ?
Devoir un jour raccrocher, il n’y a rien de plus pénible! Les blessures vous torturent et ne vous laissent plus la force d’aller plus loin encore. Ce moment-là a été très dur pour moi.
En qualité d’arrière central, avez-vous inscrit beaucoup de buts ?
Six buts en tout et pour tout. Mais j’aimerais vous dire que, jeune footballeur, j’ai joué pratiquement à tous les postes, y compris celui de gardien. Senior, j’ai pratiquement évolué partout en défense: latéral, axial, pivot… Je jouais des deux pieds, et disposais d’une bonne lecture du jeu.
Quelles sont les qualités d’un bon défenseur axial ?
Il doit être agressif, clairvoyant, intelligent, rapide et avoir une bonne lecture du jeu.
Quelles étaient vos idoles ?
Tarek, Ben Yahia, Maâloul, Ayadi Hamrouni…
A votre avis, quels sont les joueurs tunisiens à avoir réussi à l’étranger ?
Il y a eu Hatem Trabelsi, Zoubeir Beya, Adel Sellimi, Imed Mhadhebi, Khaled Badra et Aymen Abdennour.
Comment trouvez-vous le professionnalisme
en Tunisie ?
Notre football n’a rien d’un régime professionnel. En Egypte, où j’ai joué, les clubs disposent de solides infrastructures et de sources de financement presque inépuisables. Le niveau de notre championnat est de plus en plus faible en raison de deux facteurs essentiels: l’état catastrophique des pelouses, et la désaffection prononcée du public accentuée par le huis clos dû au coronavirus. Nos joueurs n’ont plus la cote à l’étranger. Il y a de moins en moins de joueurs qui partent monnayer leur talent que ce soit en Europe ou dans le Golfe.
Dans l’esprit de beaucoup de gens, l’agent est tout simplement un «samsar» qui gagne de l’agent facile sur le dos des joueurs. Est-ce vrai ?
Non, nous sommes en fait dans le management, pas dans le rayon d’activités du courtier. Cette perception-là, nous voulons la corriger. D’ailleurs, la fédération internationale (Fifa) nous appelle désormais intermédiaires. Je dois apporter un outil de travail social, médical, technique… à mes protégés qui sont comme des enfants pour moi. Ils me font vivre, et vice-versa. Mon expérience de joueur me permet de les prendre en charge convenablement et de leur être utile. Dans notre métier, il faut un maximum de confiance et de crédibilité. Malheureusement, certains intrus, qui n’ont pas passé les examens et ne disposent pas de l’agrément Fifa, pillent notre métier qu’il s’agit d’organiser et de débarrasser des intrus.
Est-il facile d’obtenir une licence d’agent de joueurs ?
Non. D’abord, il faut avoir été joueur ou dirigeant, et avoir au moins le niveau du bac. Ensuite, vous devez passer un examen et rester constamment sur la brèche, avoir une bonne faculté d’évaluation du joueur.
Comment avez-vous envisagé une telle reconversion ?
Cela m’était arrivé quand j’étais joueur.
J’avais besoin d’un agent qui s’occupe de tout afin que je puisse me concentrer sur les seules affaires du terrain, quelqu’un qui me fasse progresser. Je n’étais pas un super-joueur.
Néanmoins, grâce aux conseils de mon agent, j’ai effectué une carrière honnête et même plus, jouant dans pas moins de sept clubs dans six championnats différents sur trois continents. J’ai dû faire preuve de beaucoup de sérieux, de discipline et de rigueur, et observer une hygiène de vie quasi-impeccable. Cela constitue du reste un motif de fierté tout à fait légitime pour moi. J’ai disputé 42 matches en Egypte dans un championnat de toute première qualité, 32 en France avec Bastia…
Justement, comment êtes-vous parti pour l’aventure professionnelle hors du pays ?
Je crois avoir géré convenablement ma carrière : le CSHL que j’ai quitté assez jeune, puis le CA qui m’a propulsé vers l’étape du professionnalisme à l’étranger et avec lequel j’ai disputé 42 rencontres, dont deux derbies ratés, je dois l’avouer, car je n’y ai pas donné la plénitude de mes moyens.
Puis Ezzamalek, en Egypte, où j’ai été le premier joueur tunisien à évoluer, montrant la voie à Anis Boujelbane, Wissem El Abdi, Mohamed Selliti, Hamdi Nagguez, Ferjani Sassi… A un certain moment, j’étais blessé. J’ai dû partir au Bahrein, puis en France. Comme chaque joueur tunisien, j’ai été tenté par l’argent. J’ai commis l’erreur d’être parti trop tôt dans le Golfe, sans doute en pensant aux pétrodollars. Car partir dans le Golfe, c’est au fond préparer une pré-retraite.
Parlez-nous de votre famille ?
Elle reste au cœur de mon existence. J’ai épousé Zeineb en 2006. Nous avons eu Saloua et Yahia.
Enfin, êtes-vous un homme comblé ?
Dieu merci, je n’avais pas un talent monstrueux, mais j’ai réussi à m’imposer dans six championnats différents, ce qui n’est pas donné à tout le monde.